Ces années voient se confirmer la carrière internationale de Saint-Saëns. Il sillonne l’Europe, puis bientôt le monde, en se produisant comme pianiste et organiste, mais aussi comme chef d’orchestre, dirigeant ses propres œuvres et contribuant ainsi à leur diffusion. Il n’est évidemment pas possible de relever la totalité des milliers de concerts donnés par Saint-Saëns, aussi seuls quelques-uns des plus marquants sont mentionnés.


1875

24 janvier. Création aux Concerts Colonne de La Danse macabre, troisième poème symphonique. Cette œuvre, aujourd’hui célèbre dans le monde entier, fut alors froidement accueillie par la critique. Saint-Saëns fait une transcription pour deux pianos qu’il jouera lui-même très souvent. Liszt en fera un arrangement pour piano seul et lui envoie en le « priant d’excuser son inhabileté à réduire au piano le merveilleux coloris de la partition ».

3 février. Saint-Saëns épouse Marie-Laure Truffot, au Cateau-Cambrésis, petite ville du Nord de la France. Elle est la sœur de son ami Jean Truffot et de vingt ans sa cadette.

Février. Saint-Saëns est appelé par Fanny Pelletan pour le seconder dans la préparation de l’édition monumentale de l’œuvre de Gluck. Il y travaillera pendant plusieurs années, terminant l’édition d’Alceste et préparant celles d’Armide, d’Orphée et Eurydice, d’Écho et Narcisse.

26 mars. Le 1er acte de Samson et Dalila, donné aux Concerts Colonne en version de concert, est mal accueilli par la critique : « Jamais absence plus complète de mélodie ne s’est fait sentir comme dans ce drame ; c’est au point que, confié à des artistes de talent, personne n’a trouvé une phrase pour se faire valoir et appeler un applaudissement. Joignez à ce manque de motifs une harmonie souvent très risquée et une instrumentation qui nulle part ne s’élève au-dessus du niveau ordinaire » (Henri Cohen).

3 juin. Disparition de Georges Bizet, trois mois après la création de Carmen. Saint-Saëns est inconsolable de la perte de ce « frère d’armes », auquel le liait une profonde amitié.

31 octobre. Création du Concerto pour piano n°4, en ut mineur aux concerts Colonne. L’œuvre est très bien accueillie, l’auteur-interprète est acclamé.

6 novembre. Naissance d’André Saint-Saëns, premier fils du compositeur.

Vers le 15 novembre. Départ pour une grande tournée de concerts en Russie. À Moscou, à Saint-Pétersbourg, Saint-Saëns joue et dirige ses propres œuvres devant toute la cour. Il retrouve Anton Rubinstein et fait la connaissance de Tchaïkovsky.

Danse macabre, version piano-chant, couverture illustrée de l’édition Enoch, 1873. [BnF-Mus]

1876

Vers le 14 janvier. Retour de Russie et nombreux concerts à Paris.

5 mars. Première audition de l’oratorio Le Déluge aux Concerts Colonne désormais installés dans la salle du Châtelet. Ce poème biblique pour soli et chœur, écrit en collaboration avec Louis Gallet, déclenche quelques protestations du public et de la critique. Le journal Le Ménestrel regrette que tant de savoir et de talent soient dépensés en pure perte :« Le Déluge est d’un très grand musicien, mais d’un musicien dévoyé ». La réputation de Saint-Saëns, musicien trop savant, trop difficile à comprendre, se répand comme un lieu commun.

12 mars-début avril. Saint-Saëns part pour une grande tournée de concerts en Autriche, en passant par Lyon où il donne également des concerts. A Vienne, il joue à la Gesellschaft der Musikfreunde, donne des récitals, participe à des séances de musique de chambre, rencontre Jauner l’intendant de l’Opéra qui projette de donner Samson et Dalila.

Saint-Saëns revient à Paris pour assister au concours du Prix de Rome dont il est membre du jury.

4-6 juillet. Plusieurs concerts à Londres.

16 août. Participation aux fêtes données en l’honneur de Rameau à Dijon.

Saint-Saëns part pour le Festival de Bayreuth qui vient d’être créé. Il assiste à la deuxième série de la Tétralogie et joue chez Wagner, au cours d’une grande réception. Entre le 19 et le 28 août, il adresse sept articles enthousiastes écrits depuis Bayreuth, à ses lecteurs de L’Estafette où il tient la chronique musicale.

Saint-Saëns songe à se présenter à l’Institut mais s’efface devant la candidature d’Ernest Reyer.


1877

28 janvier. Création aux Concerts Colonne du quatrième poème symphonique de Saint-Saëns, la Jeunesse d’Hercule, dédié à Henri Duparc.

23 février. Le Timbre d’argent qui attendait depuis 13 années d’être créé, est enfin donné au Théâtre-Lyrique. Pour Saint-Saëns l’enjeu était de grande importance, car il s’agissait de prouver qu’il était capable d’écrire pour la scène. Il racontera lui-même dans un article, les invraisemblables tribulations de cet opéra et sa réception par la critique.

Mars. La famille Saint-Saëns quitte l’appartement de la rue du Faubourg Saint-Honoré et s’installe dans un appartement plus grand, au 4e étage du 14, rue Monsieur le Prince non loin de l’Odéon.

15 avril. Démission de la tribune de la Madeleine. Quelques semaines auparavant, Saint-Saëns avait reçu de son ami Albert Libon un legs de 100.000 frs, soumis à une clause testamentaire précisant que cette somme était « destinée à le soustraire à la servitude de l’orgue de la Madeleine et à lui permettre de se consacrer exclusivement à la composition musicale ». Il est remplacé par Théodore Dubois et Gabriel Fauré devient maître de chapelle.

Le violoniste Aimé Gros prend la direction du Théâtre de Lyon et commande à Saint-Saëns un nouvel opéra. Celui-ci rêvait de faire une série d’ouvrages ayant pour thème l’histoire de France et tombe d’accord avec Louis Gallet sur le sujet d’Étienne Marcel, prévôt des marchands de Paris.

Avril-mai. Plusieurs concerts à Lyon, à Genève, à Anvers.

Juillet. Tournée de concerts en Angleterre.

Novembre. Grande tournée de concerts : Leipzig, Varsovie, Weimar, Dresde, Berlin, Schwerin, Breslau

2 décembre. Création de Samson et Dalila au Théâtre Grand-ducal de Weimar, comme Liszt s’y était engagé. L’ouvrage est donné en allemand, sous la direction d’Edouard Lassen.

13 décembre. Naissance de Jean-François, deuxième fils de Saint-Saëns.

Saint-Saëns à Breslau, photographie de N. Raschkow Jr, vers 1880 [BnF-BmO]

1878

Janvier-mars. Nombreux concerts à Paris, Anvers, Bruxelles, Stuttgart, Strasbourg, Bâle.

18 mars. Pour remercier Liszt de son aide, Saint-Saëns organise à ses frais, un concert de ses œuvres avec orchestre à la salle Ventadour.

5 et 6 mai 1878. Exécution de Samson et Dalila à Bruxelles, sous forme d’oratorio, malgré le succès obtenu, les directeurs de La Monnaie, tous comme ceux de l’Opéra de Paris, refusent toujours de produire l’œuvre en scène.

22 mai. Achevé lors d’un séjour en Suisse, le Requiem écrit à la mémoire d’Albert Libon est créé à Saint-Sulpice. Charles-Marie Widor tient l’orgue, Saint-Saëns dirige l’orchestre.

28 mai. Décès d’André, le fils aîné de Saint-Saëns, âgé de 2 ans et demi. Déjouant la surveillance de sa mère, l’enfant tombe par la fenêtre de l’appartement situé au 4e étage.

Plusieurs œuvres de Saint-Saëns sont données pendant les concerts de l’Exposition universelle : Les Noces de Prométhée au gala d’ouverture ; un récital sur l’orgue du Trocadéro. La marche Orient et Occident sera jouée le 21 octobre, jour de la distribution des récompenses.

7 juillet. Décès de Jean-François âgé de 7 mois. À la suite du décès de son frère aîné, le nourrisson avait été envoyé chez sa grand-mère maternelle. Il meurt sans doute des suites d’une mauvaise fièvre. Saint-Saëns ne se remettra jamais de la perte de ses deux enfants.

17-25 novembre. Tournée de concerts en Belgique.

Décembre. Saint-Saëns présente sa candidature à l’Institut pour la deuxième fois, mais il est devancé par Jules Massenet.

Médaille offerte à Saint-Saëns pour sa participation à la commission musicale de l’Exposition universelle de 1878. [© Musée de Dieppe]

1879

8 février. Création d’Étienne Marcel à Lyon. L’ouvrage remporte un vif succès, mais ayant été créé en province, il ne sera pas considéré comme une « nouveauté » et de ce fait n’obtiendra jamais d’être joué à l’Opéra de Paris.

De mi-février à mi-avril. Tournée de concerts en Suisse, Allemagne, Autriche, Hongrie, Belgique : Hannovre, Dresde, Leipzig, Stettin, Koenigsberg, invitation chez Liszt à Budapest, Vienne, Mayence, St Gall, Stuttgart, Brunswick, Liège.

Mai. Tournée de concerts en Italie, suivie de concerts à Londres à la fin du mois.

7 juin. Grand concert de charité au profit des inondés de Szegedin (Hongrie) à l’Opéra de Paris. Saint-Saëns dirige la Danse Macabre, et Rêverie Orientale, extraite de la future Suite Algérienne.

Juillet. Saint-Saëns tient la chronique musicale du Voltaire, journal républicain fondé l’année précédente, auquel collaborent Emile Zola et Raymond Poincaré. Il y publiera 34 articles notamment ceux intitulés « Harmonie et Mélodie », remaniés et étoffés, qui constituent son véritable credo artistique.

28 août. Saint-Saëns et son épouse se rendent à Birmingham pour assister à la création de La Lyre et la harpe. Composée d’après un poème de Victor Hugo, l’œuvre est une commande du festival de Birmingham.

Maquette de costume pour Étienne Marcel, par Jules Marre pour les représentations au Théâtre du Château d’Eau, à Paris. [BnF-Asp]

1880

11 janvier. La Lyre et la harpe est donnée aux Concerts populaires de Pasdeloup

17 janvier. Saint-Saëns tient la partie de piano lors de la création du Quintette de César Franck à la Salle Pleyel. En désaccord avec Franck, il « oublie » sur le piano le manuscrit que celui-ci lui a dédié.

Du 26 janvier au 2 février. Tournée de concerts en Allemagne : Hambourg, Berlin où Saint-Saëns dirige la Jeunesse d’Hercule aux Concerts Bilse.

Du 15 au 29 février. Tournée de concerts en Belgique et aux Pays-Bas : Bruxelles, Arnheim, La Haye, Rotterdam, Amsterdam, Utrecht, puis Berlin et Lille.

Les 11 et 18 avril. Saint-Saëns joue le Concerto en sol de Beethoven à la Société des Concerts du Conservatoire. Le 22 avril, son Concerto pour piano n°4 à la Salle Pleyel, sous la direction d’Édouard Colonne.

Plusieurs œuvres sont composées cette année-là : König Harald Harfagar, op. 59, la Suite algérienne, op. 60, le Concerto pour violon n° 3, en si mineur, op. 61, le Morceau de concert pour violon et orchestre, op. 62.Saint-Saëns commence à travailler à la composition d’Henry VIII, commande de l’Opéra de Paris. Le livret de Léonce Détroyat et Armand Silvestre avait d’abord été proposé à Gounod et à Victorin Joncières.

Mai. Tournée de concerts en Angleterre (du 5 au 15), suivie d’une tournée de concerts en Allemagne (du 20 au 23). A Bade, fête donnée par l’Association allemande des Musiciens, en présence de Liszt. Saint-Saëns joue le Concerto pour piano no 4 en ut mineur et dirige son poème symphonique Phaéton.

Du 2 juin au 8 juillet. Tournée de concerts en Angleterre. Le 8 juillet, Saint-Saëns est reçu par la Reine Victoria

Octobre. Tournée de concerts en Espagne et au Portugal avec le violoniste Paul Viardot : Madrid, Pampelune, Saragosse, Lisbonne. Saint-Saëns en rapportera Une Nuit à Lisbonne, op. 63, et la Jota aragonese, op. 64.

19 décembre. Création au Châtelet de la Suite algérienne, composée à Boulogne-sur-mer.

28 décembre. Création du Septuor avec trompette, dédié par Saint-Saëns à son ami Émile Lemoine pour sa société musicale La Trompette.

Saint-Saëns au piano, dessin de Paul Mathey. [BnF-BmO]

1881

19 février. Saint-Saëns est élu à l’Institut, au fauteuil d’Henri Reber.

Mars. Grande tournée de concerts en France et en Suisse : Lyon, Marseille, Nice, Genève, Lausanne, Vevey, Neufchâtel, Mulhouse, Strasbourg.

25-28 juillet. C’est lors d’un séjour à la Bourboule que Saint-Saëns et son épouse se séparent définitivement. Le couple n’a jamais pu surmonter le drame causé par la mort de leurs deux enfants. Ils cessent la vie commune mais ne divorceront pas.Saint-Saëns continuera de subvenir aux besoins de son épouse durant toute son existence en lui versant une pension. Marie Saint-Saëns sera présente aux obsèques de son mari en 1921. Elle décèdera à l’âge de 95 ans, le 30 janvier 1950.

3 décembre. Saint-Saëns prononce l’éloge d’Henri Reber à l’Académie. Il décline l’offre que lui fait le Ministère de succéder à Henri Reber à la classe de fugue et composition du Conservatoire.

11 et 18 décembre. Saint-Saëns joue son Concerto pour piano no 4 à la Société des concerts du Conservatoire.