1853

Saint-Saëns est nommé organiste à l’église Saint-Merri où il restera jusqu’en décembre 1857. Il y joue des œuvres de Haendel, Bach, Rameau, Mendelssohn et Liszt, encore peu connues du public. Sa renommée d’organiste va grandissante.

18 décembre. Envoyée anonymement, la Première symphonie en mi bémol (op. 2) est acceptée et exécutée par la Société Sainte-Cécile sous la direction de François Seghers. Hector Berlioz et Charles Gounod qui assistaient à l’audition sont enthousiastes et stupéfaits de tant de maîtrise chez un si jeune homme – Saint-Saëns vient d’avoir 18 ans. Gounod lui écrit : « J’ai appris hier d’une manière officielle que vous étiez l’auteur de la symphonie exécutée dimanche – Je m’en doutais – mais maintenant que je n’en doute plus, je m’en voudrais de ne pas vous dire de suite toute la joie que j’en ai – vous y êtes au-dessus de votre âge : marchez toujours – et souvenez-vous que vous avez contracté dimanche 18 Xbre 1853, l’obligation de devenir un grand maître »

Symphonie n° 1, éd. 1855, exemplaire dédicacé par Saint-Saëns à Berlioz [BnF-Mus]

1854

Saint-Saëns rencontre Franz Liszt chez François Seghers. Il est sous le charme du jeu de Liszt : « Les rêves de mon imagination juvénile n’étaient que de la prose à côté du poème dionysiaque évoqué par ses doigts surnaturels ». C’est le début d’une longue amitié et d’un soutien mutuel entre ces deux pianistes-compositeurs, qui ne cesseront qu’à la mort de Liszt en 1886.


1855

Composition de nombreuses mélodies, dont L’Attente, La Cloche, Guitare, Le Lever de la lune, Plainte, et du Quintette en la mineur, pour piano et cordes, op. 14, dédié à sa grand-tante Charlotte Masson.
Composition de la Messe solennelle à 4 voix, chœur, orchestre grand orgue et petit orgue, op. 4. Cette première œuvre religieuse est dédiée à l’abbé Gabriel, curé de Saint-Merri. Liszt en parlera plus tard en termes très élogieux : « C’est une œuvre capitale, grande et belle. C’est comme une magnifique cathédrale gothique où Bach aurait sa chapelle. Le Kyrie est la flèche de votre cathédrale. »

30 novembre. Saint-Saëns est appelé sous les drapeaux, à la mairie du XIe arrondissement. En raison de sa santé très fragile, il est exempté de service militaire.


1856

Juillet. Pour répondre à l’appel du concours de la Société Sainte-Cécile de Bordeaux, Saint-Saëns compose sa Deuxième Symphonie, baptisée Urbs Roma.


1857

18 janvier. La Symphonie Urbs Roma remporte le prix de la Société Sainte-Cécile de Bordeaux. Jules Pasdeloup la joue le 15 février à Paris, à la Société des jeunes auteurs.

21 mars. Création de la Messe solennelle à Saint-Merri.

10 juin. Saint-Saëns dirige lui-même Urbs Roma à Bordeaux. C’est la première fois qu’il prend le bâton de chef d’orchestre. Malgré le très bon accueil qui lui est fait, il refuse ensuite de laisser rejouer l’œuvre et ne la laisse pas publier.

Juin. L’orgue de Saint-Merri étant en travaux, Saint-Saëns effectue un bref voyage en Italie en compagnie de l’abbé Gabriel. Il est émerveillé par les musées, les monuments archéologiques et les œuvres de Palestrina chantées par les chœurs de la Chapelle Sixtine.

3 décembre. Inauguration du nouvel orgue de Saint-Merri, construit par Cavaillé-Coll. Saint-Saëns n’en profitera pas car il est nommé le 7 décembre, titulaire du grand orgue de l’Église de La Madeleine où il succède à Alfred Lefébure-Wély. Il obtient cette tribune très convoitée, sur la recommandation de l’abbé Gaspard Deguerry et sans doute grâce à la protection de la Princesse Mathilde, cousine de Napoléon III, dont il fréquente le salon musical. Le Tout-Paris musical et les artistes de passage à Paris se pressent à La Madeleine pour entendre les stupéfiantes improvisations de l’organiste. Il y restera jusqu’en décembre 1877.

Composition de la Tarentelle pour flûte et clarinette, op. 6, (avec accompagnement de piano ou d’orchestre).

Buffet, claviers et pédalier du grand orgue de la Madeleine, vers 1846 [BnF-Est]

1858

Saint-Saëns, sa mère et sa grand-tante quittent la rue du Jardinet pour un appartement plus grand et plus proche de La Madeleine, au 4e étage du 168, rue du Faubourg Saint-Honoré.

Avril-mai. Composition des Six duos pour harmonium et piano, op. 8, dont la vente permet à Saint-Saëns de faire l’acquisition d’une lunette astronomique fabriquée par la maison Secrétan, et de s’adonner à sa passion pour l’observation des astres.

À côté de la production de pièces pour orgue, de cantiques et pièces religieuses pour les offices, s’ouvre une période fertile en composition de grandes œuvres : l’Oratorio de Noël, op. 12, créé à l’église de la Madeleine le 24 décembre et dédié à Clémence de Grandval ; le Concerto pour piano n°1, op. 17 et le premier Concerto pour violon, en ut majeur, op. 58 (publié comme Concerto n° 2).

Camille Saint-Saëns de profil, dessin de Pauline Viardot.

1859

Composition de la Symphonie n° 2, en la majeur, op. 55
Saint-Saëns rencontre plusieurs fois Richard Wagner à Paris. Celui-ci est très admiratif des dons du jeune musicien qui lui a été recommandé par son gendre Hans von Bülow, et par Liszt. Sa mémoire exceptionnelle et ses capacités à déchiffrer et réduire à vue les partitions d’orchestre les plus difficiles font en effet de Saint-Saëns un accompagnateur recherché et Wagner lui demande à plusieurs reprises de lui jouer ses œuvres au piano. De son côté, Saint-Saëns est un fervent admirateur et défenseur de l’œuvre de Wagner.

Aux côtés d’Hector Berlioz et de Pauline Viardot, Saint-Saëns collabore à la restauration d’Orphée de Gluck au Théâtre-Lyrique.

C’est de cette époque que datent les premières esquisses de Samson et Dalila, écrit en collaboration avec Ferdinand Lemaire, l’un de ses cousins par alliance, et tout d’abord pensé sous la forme d’un oratorio.


1861

Mars. Saint-Saëns est nommé professeur de piano à l’École Niedermeyer. Il y restera jusqu’en mars 1865 et comptera parmi ses élèves Eugène Gigout, Julien Koszul, Gabriel Fauré, Albert Périlhou, Edouard Marlois, Adam Laussel, et plus tard André Messager. Tout en avouant y avoir été « plus élève que professeur », il a fédéré autour de lui une petite troupe de fidèles, attirés par le vent de nouveauté qu’il apportait dans sa classe où, selon le témoignage de Fauré, il faisait entendre des partitions nouvelles de Chopin, Liszt, Schumann ou Wagner et partageait l’analyse de ses propres œuvres avec ses élèves.

Portrait de Saint-Saëns vers 1860, par Charles-Camille Chazal [© Musée de Dieppe]

1862

Composition de la Suite pour piano et violoncelle, en mineur, op. 16 et du Concerto pour piano et orchestre n° 1, en , op. 17.

29 avril. Saint-Saëns participe au concert d’inauguration du nouvel orgue Cavaillé-Coll de Saint-Sulpice, donné devant plus de 6000 personnes.


1863

16 mai. Saint-Saëns remporte le 1er de la Société Cécile de Bordeaux avec son Ouverture de Spartacus pour orchestre qui sera créé le 26 novembre, mais il n’en autorisa pas la publication.


1864

Saint-Saëns est tenté par le théâtre, mais ne peut compter sur aucun soutien, ni parmi les directeurs de scène, ni parmi les librettistes. Il se présente alors une deuxième fois au concours du Prix de Rome, douze ans après sa première tentative, mais il est cette fois jugé trop âgé, et le prix est attribué à Victor Sieg. Berlioz qui faisait partie du jury, aurait dit en sortant : « Il sait tout, mais il manque d’inexpérience ».
En compensation, Auber obtient pour lui la commande du Timbre d’argent pour l’Opéra-Comique dont le livret de Jules Barbier et Michel Carré avait déjà été refusé par plusieurs auteurs.

Du 12 février au 24 avril. Dans les Salons Pleyel, Saint-Saëns donne six concerts avec orchestre consacrés à l’audition des concertos de Mozart.

Octobre. Composition du Trio n° 1 pour piano, violon, violoncelle, en fa majeur, op. 18.

Novembre. À la demande de Pablo Sarasate, Saint-Saëns compose Introduction et Rondo capriccioso et le Concerto pour violon et orchestre n°1, op. 20.

Introduction et Rondo capriccioso, manuscrit autographe [BnF-Mus]

1865

La carrière d’interprète de Saint-Saëns continue de se développer, les concerts se multiplient et il présente des programmes pour faire connaître des œuvres nouvelles ainsi que ses dernières compositions.
De nombreuses séances de musique de chambre sont organisées avec Sarasate pour habituer l’oreille du public à de nouveaux répertoires: Beethoven, Félicien David, Litolff,…

Janvier. Saint-Saëns donne la première audition française du Concerto pour piano de Schumann, dans les Salons Pleyel, avec l’orchestre de Jules Pasdeloup.

Avril. Saint-Saëns prend part au concert organisé à Dijon, pour l’érection d’un monument en hommage à Rameau, compositeur qu’il admire passionnément.

21-26 mars. Lors de trois concerts à Lyon, Saint-Saëns interprète des œuvres de Schumann, Liszt, Wagner, Mendelssohn, Bellini et certaines de ses compositions.

Eté. Saint-Saëns parcourt la Bretagne en compagnie d’amis peintres : Henri Regnault, Georges Clairin, Charles-Emmanuel Jadin et Ulysse Butin.

Octobre-novembre. Voyage en Allemagne, Saint-Saëns joue son Concerto pour piano n° 1 au Gewandhaus de Leipzig.

Décembre. Composition du Psaume XVIII, Cœli enarrant, op. 42 et création à La Madeleine.

Psaume XVIII, Cœli enarrant [BnF-Mus]

1866

7 mars. Scène d’Horace, chantée par Mme Charton-Demeur aux Concerts Pasdeloup.

27 avril. Concert Salle Pleyel, devant Berlioz, Gounod, Liszt, Hiller. Saint-Saëns joue le Canon pour piano à pédalier de Schumann, Saint-François de Paule marchant sur les flots de Liszt, sa propre Suite pour violoncelle et piano, op. 16. Figure également à ce concert la Sérénade pour piano, orgue, violon et alto ou violoncelle, op. 15, dédiée à la Princesse Mathilde, composée l’année précédente et créée le 7 janvier dans les salons de la Princesse.

11 mai. Soirée dans l’atelier du peintre Gustave Doré en présence de Liszt. Saint-Saëns et Francis Planté jouent les Préludes, la première partie de Dante et Saint-François de Paule marchant sur les flots.

Août. Second voyage en Bretagne avec des amis peintres : Georges Clairin, Henri Regnault, Emmanuel Jadin, Ulysse Butin. Ils retrouvent Gabriel Fauré à Rennes et assistent au pèlerinage de Saint-Anne-la-Palud. Saint-Saëns s’en inspire pour sa Rapsodie sur des cantiques bretons, op. 7.

Saint-Saëns revoit Liszt plusieurs fois au cours de l’année et joue avec lui à quatre mains le Credo et le Sanctus de la Messe de Gran chez la Princesse Metternich.


1867

Deuxième quinzaine de mars. Tournée de concerts : Bourg, Grenoble, Vienne, Saint-Étienne, Lyon.

4 avril. Deux concerts d’œuvres nouvelles de Saint-Saëns à la Salle Pleyel. Sarasate joue le Concerto pour violon n°1 en la majeur, op. 20 et Saint-Saëns dirige lui-même l’orchestre. Devant le succès remporté, le même programme est redonné le 27 avril.

11 juin. Devant 103 concurrents, Saint-Saëns remporte le concours de la cantate sélectionnée pour figurer à l’Exposition universelle. Le jury était composé de Rossini, Berlioz, Auber, Verdi, Carafa, Reber, Ambroise Thomas, Félicien David, Gounod. Berlioz déclare : « j’ai eu le plaisir de voir couronner (à l’unanimité) celle de mon jeune ami Camille Saint-Saëns, l’un des plus grands musiciens de notre époque ». Les Noces de Prométhée, sur les paroles de Romain Cornut, sera créée, après bien des péripéties, le 1er septembre, au Cirque d’été.

La mise en œuvre du Timbre d’argent, sans cesse repoussée par les caprices des directeurs de théâtre, contrarie le compositeur dans ses projets. L’année 1867 est en revanche propice à une éclosion de mélodies et de cantiques. L’élaboration de Samson et Dalila suit son chemin. Saint-Saëns en fait entendre quelques fragments dans des auditions privées.

Pablo de Sarasate, atelier Nadar [BnF-Est]