La famille paternelle est originaire de Rouxmesnil-Bouteilles, village proche de Dieppe. Jean-Baptiste-Nicolas Saint-Saëns, exploitant agricole et maire de cette commune normande, eut huit enfants. Les cinq filles épousent des cultivateurs, les trois fils prennent d’autres voies. Jean-Baptiste-Camille reste à Dieppe et devient prêtre au Pollet puis vicaire à Neuville. Nicolas vient s’établir comme épicier à Paris. Jacques-Joseph-Victor (né le 19 mars 1798), vient également à Paris. Employé dans les bureaux du Ministère de l’Intérieur, il occupe ses loisirs à écrire poèmes, chansons et comédies, ambitionnant de réussir au théâtre.

1834

24 novembre. Mariage en l’église Saint-Sulpice à Paris, de Victor Saint-Saëns et de Françoise-Clémence Collin. Clémence Collin, née en 1809, originaire de Wassy en Haute-Marne, a été élevée à Paris par son oncle Esprit Masson, libraire dans le quartier Saint-Germain, et sa tante, Charlotte-Françoise (née Gayard). Elle est élève du peintre Pierre-Joseph Redouté et se déclare elle-même comme artiste-peintre.


1835

22 janvier. Décès de l’abbé Jean-Baptiste-Camille Saint-Saëns, oncle de Camille Saint-Saëns, à l’âge de 39 ans.

21 mars. Décès d’Esprit Masson, grand-oncle de Camille Saint-Saëns, sans doute hâté par la ruine de son commerce de librairie.

9 octobre. Naissance de Charles-Camille Saint-Saëns, au n° 3 de la rue du Jardinet à Paris.

27 octobre. Baptême de l’enfant en l’église Saint-Sulpice. On lui donne les prénoms de Charles (en l’honneur de sa grand-tante) et de Camille (en mémoire de l’oncle récemment disparu), mais il n’utilisera couramment que son second prénom. Les parrain et marraine sont Nicolas Saint-Saëns (1782-1853), oncle paternel, et Charlotte Masson, grand-tante maternelle.

30 décembre. Miné par la phtisie, Victor Saint-Saëns, père de Camille Saint-Saëns, décède à l’âge de 37 ans. Trois mois après la naissance de son fils unique.

Les deux femmes, mère et tante de Camille, veuves et isolées, conservent l’appartement de la rue du Jardinet et élèvent ensemble le jeune garçon qui a toujours considéré avoir eu « deux mères ».

Maison natale de Camille Saint-Saëns (aujourd'hui détruite), 3 rue du Jardinet. Il y demeura de 1835 à 1859. [BnF-BmO]
Charlotte Masson (1781-1872) et Clémence Saint-Saëns (1809-1888). [© Musée de Dieppe]

1836
1837

L’enfant, ayant hérité de la maladie paternelle et de santé fort fragile, est envoyé en nourrice à Corbeil, près de Wassy, village de Haute-Marne où sa mère avait conservé des attaches familiales. Il y restera deux années et y retournera fréquemment durant son adolescence.


1838

À trente mois, le jeune Camille prend ses premières leçons de solfège et de piano avec sa grand-tante, Charlotte Masson. Celle-ci, bonne pianiste, avait été l’élève de l’organiste Jacques-Marie Beauvarlet-Charpentier. Elle avait su déceler très tôt les dons du jeune enfant et lui donnera d’excellentes bases.


1839

22 mars. Première composition musicale datée, courte pièce pour piano en ut majeur, composée à l’âge de trois ans et demi.


1840

Saint-Saëns se produit déjà dans des salons privés, et donne son premier concert en public à 4 ans et 7 mois, en accompagnant le violoniste Antoine Bessems dans une Sonate de Beethoven. Le compte rendu du Moniteur Universel, du 1er août 1840, loue « son surprenant instinct musical » et ses qualités expressives. Il déchiffre déjà couramment des Sonates de Mozart.

Un ami de la famille offre à l’enfant la partition d’orchestre de Don Giovanni de Mozart. Il dit s’être nourri chaque jour de cette « substance musicale » et la gardera toute sa vie comme une relique.

Portrait de Camille Saint-Saëns, par Gabrielle Jobey de Ligny, vers 1838. [© Musée de Dieppe]

1841

Plusieurs pièces pour piano composées à cette époque ont été conservées, « d’une insignifiance naïve, mais sans fautes d’écriture » comme le dira l’auteur lui-même.


1842

Le jeune Camille commence son éducation avec des précepteurs : latin, grec, arithmétique, géométrie et se passionne déjà pour la botanique et l’astronomie.

22 juillet. Composition d’un Adagio pour piano, dédié au peintre Jean-Dominique Ingres qui pour remercier l’enfant, lui fait cadeau d’un médaillon en plâtre représentant le profil de Mozart.

Galop pour piano, manuscrit autographe, daté 6 juin 1841. [BnF-Mus]

1843

13 mars. Premières leçons de piano avec Camille Stamaty (1811-1870), célèbre pédagogue, lui-même élève de Anton Reicha et de Friedrich Kalkbrenner. Lié à Robert Schumann et à Felix Mendelssohn-Bartholdy, Stamaty fut très certainement d’une grande influence dans le développement du goût de son jeune élève pour le répertoire germanique. Il était adepte de la technique du guide-main qui privilégie la pureté du son et donne un jeu clair, simple et sans effets superflus.

Octobre. Premières leçons d’harmonie avec Pierre Maleden (1800-1871), professeur originaire de Limoges, selon une méthode originale issue des théories de Gottfried Weber, de l’Abbé Georg Joseph Vogler et celles de Jean-Philippe Rameau. Il lui enseigne selon un système « merveilleux pour pénétrer les profondeurs de la musique », dans lequel les accords ne sont pas considérés seulement en eux-mêmes, mais d’après le degré de la gamme sur laquelle ils sont placés.


1846

Janvier. Stamaty convainc Madame Saint-Saëns de faire l’acquisition d’un piano à queue Pleyel. Le piano a été offert par Saint-Saëns au Musée de Dieppe où on peut le voir encore aujourd’hui.
Sur les recommandations de Stamaty, Saint-Saëns prend des leçons d’orgue avec Alexandre-Pierre-François Boëly (1785-1858), organiste à Saint-Germain-l’Auxerrois. Il travaille également l’accompagnement avec le violoncelliste Auguste-Joseph Franchomme (1808-1884) et suit les conférences du chanteur François Delsarte (1811-1871) où il apprend « l’art de la parole et du geste, la valeur et le sens de l’intonation ».

6 mai. Premier concert avec orchestre à la Salle Pleyel : Concerto pour piano n° 4 en si bémol de Mozart, Air varié et Fugue de Haendel, Toccata de Kalkbrenner, Sonate de Hummel, un Prélude et fugue de Bach et le Concerto n° 3 en ut mineur de Beethoven, avec l’Orchestre des Italiens sous la direction de Théophile Tilmant, le tout exécuté de mémoire. La chronique musicale de l’Illustration souligne le glorieux début de « cet émule de Mozart ».

Dessin de Mme Alexandre Paulin, publié dans L’Illustration du 23 mai 1846. [© Musée de Dieppe]

1847

24 mars. Concert donné aux Tuileries pour la Duchesse d’Orléans. Prévenu le matin-même, Saint-Saëns joua un programme composé de pièces de Beethoven, Haendel, Bach et Hummel. Il reçut en remerciements une montre et une chaîne en or.


1848

Stamaty aurait voulu que Saint-Saëns continue sa carrière de pianiste virtuose, mais sa mère trouvant que cela fatiguait trop l’adolescent à la santé fragile, y mit un terme. De plus Stamaty s’était opposé à ce que son élève aille rencontrer Chopin, ce que Saint-Saëns regrettera toute sa vie. La rupture entre l’élève et le professeur était consommée.

Novembre. Saint-Saëns entre au Conservatoire dans la classe d’orgue de François Benoist (1794-1878), en auditeur libre étant donné son jeune âge.


1849

16 janvier. Admission comme élève régulier de la classe d’orgue du conservatoire.

3 mai. Première rencontre avec Pauline Viardot (1821-1910) lors d’un concert organisé par Eugène Scribe, au cours duquel Saint-Saëns joue les Variations en ut mineur de Beethoven. Ce fut le début d’une longue amitié et d’une admiration mutuelle. Le jeune homme devint un habitué du salon et des soirées musicales données par la célèbre cantatrice dans son hôtel particulier de la rue de Douai.


1850

Après les tout premiers essais de jeunesse, Saint-Saëns reprend des travaux de composition et s’essaye à tous les genres : mélodies, sonates, chœurs, cantates. Il compose une symphonie en la majeur, qui ne sera ni jouée ni éditée de son vivant. Il se produit régulièrement en concert comme pianiste à la Société Sainte-Cécile dirigée par François Seghers (1801-1881).


1851

28 juillet. Premier prix d’orgue au Conservatoire dans la classe François Benoist.

Octobre. Entrée dans la classe de composition de Fromental Halévy (1799-1862) qui n’accordait semble-t-il que peu d’attention à ses élèves : « Quand le maître envoyait dire qu’il ne viendrait pas. – le cas était fréquent, – j’allais à la bibliothèque, et c’est là que j’ai complété mon éducation : ce que j’y ai dévoré de musique ancienne et moderne est inimaginable ». Grâce à la complaisance d’un abonné à la Société des Concerts du Conservatoire, le jeune Saint-Saëns peut aussi profiter d’une loge pour assister aux concerts d’orchestre dont l’accès était interdit aux élèves.


1852

26 juin-21 juillet. Saint-Saëns se présente au concours du Prix de Rome et compose la musique d’une cantate Le Retour de Virginie, sur des paroles d’Auguste Rollet. Jugé trop jeune, il échoue devant Léonce Cohen (1er Prix) et Ferdinand Poise (2e Prix).

15 octobre. Concours de la Société Sainte-Cécile. Saint-Saëns remporte le premier prix devant 22 candidats, avec l’Ode à Sainte-Cécile qui sera jouée en décembre.

De cette époque datent la mélodie Le Pas d’armes du Roi Jean, sur un poème de Victor Hugo, et les Trois morceaux pour harmonium qui portent l’opus 1.

Le Pas d’armes du roi Jean. [BnF-Mus]